J'avais encore du mal à croire ce qui m'arrivait. Moi qui pensais ne jamais le revoir, c'était raté ! Pas que je sois mécontente de le voir à nouveau d'ailleurs, c'est plutôt le contraire ! Mais j'aurais préféré que ça se passe dans d'autres circonstances. Si j'avais pu, je l'aurais frappé rien que pour m'avoir laissé sans nouvelles pendant aussi longtemps alors qu'il avait promis de garder le contact avec moi. Mais je me voyais mal coller une gifle à mon nouveau professeur de droit devant un amphi rempli d'étudiants. Et je commence sérieusement à penser que je porte la poisse ! Franchement, tomber amoureuse d'un mec et se rendre compte six mois plus tard que c'est le nouveau prof' de droit, y a qu'à moi que ça arrive !! Depuis qu'on s'est revus, il m'évite et moi, au contraire, je voudrais lui parler pour mettre au clair ce qui s'est passé l'été dernier. Mais là encore, je ne vois pas vraiment quand ni comment aborder le sujet !

Aujourd'hui, ça avait été encore pire que les autres jours. Dès qu'il avait passé la porte de l'amphi, toutes les filles s'étaient mises à chuchoter des "aaah il est trop beau" et "oh mon dieu, c'est à moi qu'il a souri". Et, en dehors du fait que je trouvais ca complètement pathétique, j'étais bien obligée de me rendre à l'évidence, j'étais jalouse... Même si je n'avais aucune envie de le reconnaître ! Si on m'avait dit un jour que je tomberais amoureuse d'un de mes professeurs, je ne l'aurait jamais cru mais le destin en avait apparemment décidé autrement... Peut-être était-ce une bonne chose finalement... En attendant, je dois garder cette relation secrète, même si ça date de l'été dernier et qu'à l'époque, je ne savais pas que j'allais l'avoir comme prof'. Mais pour moi qui suis quasiment incapable de garder un secret, c'est le genre de truc super dur à garder. Donc, j'ai décidé parler de cela avec la seule personne en qui j'ai suffisamment confiance... ma meilleure amie Swann.

J'espère d'ailleurs la trouver dans la chambre universitaire qu'on partage. Je viens tout juste de finir les cours et si ma mémoire est bonne, Swann doit avoir fini les siens également. A moins qu'elle ne travaille ce soir... Dans tous les cas, je n'aurais qu'à l'attendre. Une fois arrivée à la résidence universitaire où on vit, je grimpe les marches quatre à quatre jusqu'à l'étage où se trouve notre chambre. Une fois arrivée devant la porte de notre chambre, je l'ouvre et entre.

« Swann, t'es là ? »

Non, apparemment Swann n'était pas là. Enfin, en tout cas, elle n'était pas dans notre chambre puisqu'elle vient d'apparaître derrière moi en courant. « J’ai encore oublié mes clés, je devrais me les greffer à la main. » Je ne pus m'empêcher d'éclater de rire. C'était exactement Swann, elle était incorrigible quand il s'agissait de penser à certaines choses comme prendre ses clés en partant le matin ou penser à fermer la fenêtre avant de quitter la chambre !

« Si tu te les greffais à la main, tu serais capable d'oublier ta main aussi ! Peut-être que je devrais te coller un post-it « Swann, pense à tes clés » sur la porte... »

Puisqu'Aiden n'est pas là pour la charrier avec ses blagues pourries, c'est mon humour pas super drôle qui allait le remplacer. Je n'ai pas réussi à m'empêcher de sortir la remarque qui venait de me traverser l'esprit. Dans le genre tête en l'air, on faisait difficilement mieux que Swann, à tel point que j'avais pris l'habitude de lui dire qu'elle allait finir par oublier sa tête, un de ces jours ! Je referme la porte après avoir laissé entrer Swann et je pose mon sac près de mon lit avant de me laisser tomber sur le lit justement. Je reste quelques secondes allongées, à fixer le plafond avant de me tourner sur le côté, de poser ma tête sur ma main et de regarder ma meilleure amie. Elle a l'air exténuée... et c'est à ce moment-là que je me rappelle qu'elle avait un examen cet après-midi. Apparemment, le côté tête en l'air de Swann doit être contagieux parce que je commence à m'y mettre aussi.

« Ca a été ton exam' ? »

En attendant qu'elle me réponde, j'attrappe la tablette de chocolat qui est rangée dans le tiroir de ma table de nuit. J'ai besoin de ma dose de chocolat pour me remonter le moral. C'est un peu ma drogue... avec le caramel aussi ! Dès que j'ai un coup de blues, je mange du chocolat ou de la glace au caramel et ca va presque instantanément mieux. Sauf qu'aujourd'hui, il me faudrait sans doute plus qu'une tablette entière pour aller mieux ! J'espère qu'on a fait des réserves ! Bon, trêve de plaisanterie, faut que je parle à ma meilleure amie, moi !

« Swann, j'ai un truc important à te dire ! Mais faudra que t'en parles à personne... Tu m'promets ? »

J'avais une totale confiance en Swann mais j'avais besoin de l'entendre dire qu'elle me promettais de ne rien dire. C'était plus fort que moi et, même si je savais que, par le passé, je n'avais pas toujours su garder ses secrets... et je m'en étais assez voulu pour ca à l'époque d'ailleurs... j'espérais qu'elle promette de garder les miens. Je casse un morceau de chocolat et le met dans ma bouche avant de recommencer à parler. La partie la plus compliquée commence maintenant. Je ne sais même pas trop par où commencer...

« Tu te souviens de Declan ? »

Elle devait forcément s'en souvenir, vu le nombre de fois où je lui avais parlé de lui. D'abord, c'était pendant les vacances, juste à après l'avoir rencontré et puis pendant tout le temps des vacances aussi... parce que j'étais heureuse et que je voulais partager cela avec elle. Ensuite, je lui en avais parlé parce que je n'avais pas de nouvelles de lui et forcément, elle m'avait consolé quand j'avais un petit coup de blues à cause de lui...

Assise sur mon lit, je repensais que j’oubliais trop souvent mes affaires. Je devais être la pire tête en l’air du monde. Je passai mon temps à rêvasser plus qu’autre chose, je devrai écrire cela sur mon CV. Futur médecin tête en l’air, je me retrouverai en moins de deux secondes dehors. Je bus une nouvelle gorgée de ma boisson, le chocolat le meilleur ami de la femme. En quelque sorte un homme fidèle qui ne nous quittera jamais, je devenais folle ma parole ! Je regardais Tamara qui semblait un peu songeuse, mais ce fut de courte durée. « Si tu te les greffais à la main, tu serais capable d'oublier ta main aussi ! Peut-être que je devrais te coller un post-it « Swann, pense à tes clés » sur la porte... » Je comprenais pourquoi elle était amie avec mon frère, toujours prêt à me charrier ces deux là. Par chance il n’était pas là je le voyais déjà avec son sourire niais sur le visage. Les deux là ensemble c’est comme la fête à la maison, et moi j’étais complètement à côté de la plaque avec leur humour. J’enlevai mes converses en laissant au pied du lit, je me mis en position tailleur pour être face à ma meilleure amie. « Ca a été ton exam' ? » Je poussai à un léger soupir en repensant à ce devoir. Je savais qu’au fond j’avais réussi au la main, mais parfois il fallait peu se fier à ses instincts. Je posai mon frappucino sur ma table de nuit avant de dire : « Comme tous les devoirs de bio, ça c’est passé comme sur des roulettes. Et tu sais que j’ai encore fini première. Pourquoi j’ai choisi médecine moi ? » Pour sauver des vies, ça fait tellement clicher de penser à ça. Je n’avais pas choisi médecine juste pour cela. Je voulais aider ce qui n’avait pas de couverture sociale, pour donner un peu de bonheur dans ce monde cruel. Je commençais à penser comme ces politiciens de mes deux ! Science po, un endroit où je l’aimerai pas m’y rendre un jour. Rien que d’y penser mon corps fut parcouru de frisson.

« Swann, j'ai un truc important à te dire ! Mais faudra que t'en parles à personne... Tu m'promets ? » Je levai un sourcil signe de mon étonnement, ma curiosité fut piquée au vif, et je savais par ailleurs que je ferrai tout pour connaitre l’histoire de A à Z. Mais je ne sais pas pourquoi, mais le verbe promettre me fit paniquer. Je m’imaginais déjà des scénarios improbables, sans queue ni tête. J’avais fini par croire qu’elle était malade, mais sa voix n’était pas aussi inquiète donc je pouvais éliminer cette nouvelle des plus folles. Puis elle pouvait avoir confiance en moi, je ne dirais jamais rien même si dans le passé, elle avait révélé un de mes secrets à Aiden. C’était un mal pour un bien, je ne l’ai jamais vraiment en voulu ce jour là. « Je te le promets, tu me connais non ? » En tant que futur médecin je savais garder un secret, Tamara n’avait aucun doute à se faire sur ma fiabilité. Je regardai attentivement cette dernière qui semblait être torturée par quelque chose ou quelqu’un. « Tu te souviens de Declan ? » Comment oublier cet homme qui avait fait battre le cœur de ma Tamara adorée. Elle m’avait parlé nuit et jour de son Declan, qu’à force j’avais fini par appeler un touriste Declan. J’étais là quand ce type n’avait plus donner signe de vie. Si je le croise un jour je lui ferrai une nouvelle coupe de cheveux. « Parfaitement, vu le nombre de fois où tu m’as parlé de lui. » Je repris ma boisson en mordillant un peu la paille, je pensais à une chose. Pourquoi revenait-elle sur le chapitre Declan d’ailleurs ? Je trouvais cela étrange qu’il revient dans notre conversation. « Ne me dis pas qu’il est venu te voir après tout ce temps ? » Je ne voulais pas qu’elle souffre une nouvelle fois, elle méritait bien mieux qu’un type pareil.

« Comme tous les devoirs de bio, ça c’est passé comme sur des roulettes. Et tu sais que j’ai encore fini première. Pourquoi j’ai choisi médecine moi ? » Je me doutais déjà que l'examen de Swann s'était bien passé. Elle était brillante dans ses études de médecine et ca se voyait qu'elle était faite pour ça. Et puis, je m'en serais rendue compte tout de suite si ca c'était mal passé.

« Parce que t'es faite pour ça, tout simplement. »

C'était évident qu'elle voulait sauver des vies mais je savais qu'elle voulait surtout se sentir utile et aider les gens. Devenir médecin n'était sûrement pas la seule solution pour aider les gens mais ca m'avait toujours paru évident que Swann était faite pour ce métier. Et puis, ensuite, je lui avais enfin parlé de Declan... c'était loin d'être la première fois que je lui en parlais, comme elle me le fit d'ailleurs remarquer quelques secondes plus tard. « Parfaitement, vu le nombre de fois où tu m’as parlé de lui. » Je ne peux pas m'empêcher de sourire, c'est vrai que j'ai vraiment dû lui en parler des centaines de fois... elle devait en avoir marre à la fin de toujours m'entendre parler de lui. Pourtant, ca faisait déjà quelques mois que j'avais un peu arrêté d'en parler, parce que ca commençait à dater et que j'essayais de l'oublier, persuadée que je n'entendrais plus jamais parler de lui... Et j'avais tort...« Ne me dis pas qu’il est venu te voir après tout ce temps ? » Cette phrase exprimait bien tout ce que Swann ressentait à l'égard de Declan. Je savais qu'elle ne le portait pas vraiment dans son coeur parce que j'avais souffert à cause de lui et je lui en suis d'ailleurs infiniment reconnaissante pour ça, parce que je sais que c'est parce qu'elle tient à moi qu'elle réagit comme ça.

« Non, il est pas exactement venu me voir... disons qu'on s'est croisé plusieurs fois depuis la semaine dernière... »

Et maintenant, c'était le moment que je redoutais tant. Le moment où l'information allait sortir de ma bouche et j'avais besoin de quelques secondes afin de trouver la meilleure façon de l'annoncer à ma meilleure amie. Enfin, c'était pas non plus comme s'il y avait 36 manières d'annoncer un truc pareil...

« C'est mon nouveau prof' de droit... »

Voilà, ca y est, je l'ai dit ! Maintenant, le plus dur est fait et je n'ai plus à garder tout ce secret pour moi. Et n'empêche, ça fait du bien de parler de tout ça à Swann. Du coup, maintenant, j'étais lancée et je pouvais lui dire tout ce qui me trottait dans la tête depuis le moment où j'ai revu Declan.

« ...et je sais pas quoi faire parce que j'voudrais pas que ca se sache, tu vois ! Parce que si tout le monde était au courant de ce qui s'est passé l'été dernier, j'pense que sa carrière et mes études seraient fichues ! »

D'accord, peut-être que j'ai regardé un peu trop de films pour ados quand j'étais plus jeune... mais quand même, j'ai pas envie de me retrouver à la une du Boston Globe et de voir écrit en dessous de ma photo : un professeur de droit de la faculté de Boston avait une liaison avec une de ces étudiantes. Encore, si c'était complètement terminé entre nous, ca serait sans doute moins grave et on pourrait toujours dire que c'est du passé... mais je sais que j'ai toujours des sentiments pour lui et je suis pas sûre de supporter de le voir tous les jours ou presque et de devoir faire comme s'il ne s'était rien passé entre nous...

« Mais, en même temps, j'ai envie d'aller lui parler... Tu vas sûrement dire que j'me fais des illusions mais je suis persuadée qu'il y a une raison pour qu'il m'ait jamais donné de nouvelles ! Et je veux m'expliquer avec lui à propos de ça... »

L'amour rend aveugle... dans mon cas, c'est sûrement un peu vrai, je suppose. Je n'arrive pas à admettre qu'il n'en ait simplement rien eu à faire de moi après ce qui s'est passé entre nous... Même si je savais très bien que de repenser à lui risquait de me faire souffrir à nouveau. Plus je parlais et moins je voyais de solution à mon problème... je poussais un soupir avant de reprendre la parole... j'avais vraiment besoin de conseils à cet instant.

« Qu'est-ce que je devrais faire, d'après toi ? »